Etats-Unis : le journalisme d’investigation est en plein boom

L’un des mythes persistants des journalistes chevronnés est que le journalisme d’investigation est mort. On a entendu cette assertion pour la première fois en 1987, lors de la crise de pigistes. Toute la profession en parle depuis des décennies, mais rien n’étaie ces propos dans la pratique. Les journalistes s’en sont tenus au mythe alors même que les journaux continuent à publier des enquêtes.

Le journalisme d’investigation de proximité

Les journalistes comptent toujours sur les lanceurs d’alerte. Mais ces derniers divulguent leurs secrets aux journalistes en ligne plutôt qu’en les rencontrant dans des parkings souterrains, comme à l’ancienne. Ensuite, il appartient aux journalistes, comme cela a toujours été le cas, de décider de la pertinence de la chose, de vérifier ce qui peut être vérifié, de sélectionner, d’analyser et d’ajouter de la valeur. L’analyse des grandes données a produit d’innombrables scoops. Pensez à la surveillance mondiale d’Edward Snowden et aux fuites des Panama Papers. Sur une autre échelle, pensez aussi aux révélations sur les dépenses des députés. Mis à part ces articles révolutionnaires, l’excellent journalisme d’enquête de service public à une échelle inférieure a pris son envol.

Les salles de rédaction des journaux se sont peut-être rétrécies, mais elles ont bénéficié d’un partenariat avec des entreprises en démarrage qui se consacrent uniquement au journalisme d’enquête à long terme. En décembre, cela a permis au Guardian de rendre compte de l’épidémie de « super-bactéries » résistantes aux antibiotiques. Un prix est décerné chaque année pour la meilleure enquête et le meilleur effort de journalisme d’investigation. C’est symbolique, mais c’est le signe d’une meilleure reconnaissance des risques pris par les uns et les autres, dans un monde où la censure, cachée sous le masque de la lutte contre la Fake News, sévit un partout en Occident mais aussi ailleurs. L’idée reçue selon laquelle les journaux locaux ne mènent plus d’enquêtes est fausse. Il n’y a qu’à voir les nombreux scandales politiques et financiers qui ont été révélés par la presse britannique mais aussi française depuis quelques années comme l’affaire des emplois fictifs de l’épouse Fillon, l’affaire du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy, l’affaire des prétendus détournements du Front National, etc.

Mais qu’est-ce que le journalisme d’investigation ?

Le journalisme d’investigation est une forme de journalisme dans laquelle les journalistes vont en profondeur pour enquêter sur une seule histoire qui peut révéler des cas de corruption, revoir les politiques du gouvernement ou des entreprises ou attirer l’attention sur des tendances sociales, économiques, politiques ou culturelles. Un journaliste d’investigation, ou une équipe de journalistes, peut passer des mois ou des années à faire des recherches sur un seul sujet, avec le risque de déboucher sur une impasse ou de se faire doubler par un confrère ou un concurrent. Contrairement aux reportages conventionnels, où les journalistes se fient aux documents fournis par le gouvernement, les ONG et d’autres organismes, les reportages d’enquête dépendent des documents recueillis par le journaliste de sa propre initiative, le plus souvent sans révéler ses sources. Cette pratique vise à mettre en lumière des affaires « publiques » qui sont dissimulées, délibérément ou accidentellement.