Le journalisme d’investigation en Chine a du mal à s’en sortir

Les contrôles de l’État et les pressions économiques ont étouffé la production de rapports de grande qualité dans l’un des pays les plus peuplés de la planète.

L’autocensure encouragée par le Parti au pouvoir

Les journalistes chinois travaillent depuis longtemps dans un environnement médiatique extrêmement restrictif, mais les conditions du journalisme d’investigation se sont détériorées depuis 2014. Cette année-là, les journalistes de l’hebdomadaire chinois le plus lu ont organisé des manifestations pour défendre la liberté de la presse, mais n’ont finalement pas réussi à faire reculer la censure dans la presse. Depuis lors, le Parti communiste au pouvoir a exercé une pression croissante sur les journalistes et les médias commerciaux pour qu’ils s’autocensurent. Des projets de médias subventionnés par l’État empiètent sur des publications plus indépendantes, tandis qu’une série de nouvelles réglementations sur Internet contraignent les entreprises de médias en ligne et les blogueurs à faire de même.

Trois grandes tendances se dégagent en 2019

Baisse du nombre de journalistes d’investigation

Il n’y avait que 200 journalistes d’investigation en Chine en 2018, soit une baisse de 62 % par rapport à 2012. Certains des grands noms de l’industrie de l’information ont quitté leur poste au cours de l’année. A l’apogée de la plateforme de microblogging Sina Weibo au début de cette décennie, les journalistes ont contourné la censure dans leurs organes d’information officiels en partageant des informations sur leurs comptes personnels de médias sociaux. Après la répression et la montée en puissance de l’application de messagerie semi-privée WeChat, un grand nombre de professionnels et de journalistes citoyens ont créé leur propre compte « self-media » dédié aux médias sociaux qui diffuse des informations aux abonnés et parfois collecte des fonds par la publicité. Maintenant, cette voie se rétrécit aussi. Un blogueur anonyme affirme que les nouvelles règles sur les médias sociaux empêchent les auto-médias de survivre. Quelques journalistes chinois ont essayé d’utiliser les médias sociaux pour rapporter les dernières nouvelles, mais les dernières réglementations de l’Administration du cyberespace chinois limitent cette possibilité. C’est-à-dire que les professionnels des médias chinois ne peuvent pas gagner assez d’argent en publiant sur les médias sociaux pour continuer leur travail.

Les agrégateurs séduisent mais souffrent

Alors que les producteurs de contenu d’actualités sont en difficulté, les applications d’agrégation d’actualités connaissent une croissance explosive. Dirigées par des ingénieurs bien rémunérés, elles diffusent du contenu provenant d’autres médias et fournissent une plateforme permettant aux blogueurs de partager et de monétiser leurs messages, en utilisant des algorithmes pour adapter les flux des utilisateurs à leurs intérêts et en plaçant souvent une partie des actus sanctionnées par l’État en tête de liste. Mais avec le succès viennent les ennuis. Ces entreprises font face à des poursuites judiciaires de la part de plusieurs journaux en ligne et provinciaux. De plus, le gouvernement a réprimandé des agrégateurs à plusieurs reprises pour partage de contenu « illégal ».

La censure et les difficultés financières remettent en question la portée des reportages d’intérêt public

Les médias commerciaux connus pour leurs reportages plus agressifs et d’investigation en Chine perdent de leur rentabilité en raison de la censure et du fait que les portails d’information et autres agrégateurs sont obligés de favoriser les médias publics. De plus, l’Etat décourage les sponsors à financer se genre de médias même s’ils sont très lus.